Un peu avant mes dix-neuf ans j'ai décidé que je ne serai plus timide; plus facile à dire qu'à faire, alors pour m'entrainer j'ai mélangé un peu de ce que j'aime plus que tout au niveau artistique, les portraits, à la corvée de parler à des personnes inconnues. J'ai écrit un texte qui explique ma démarche, il date d'avril 2008:

"En me promenant dans la rue Sainte Catherine à Bordeaux, j'ai demandé aux gens qui me semblaient intéressants si je pouvais les photographier après leur avoir dit que je suis portraitiste, que je peins des visages, et que je peux leur donner mon site internet où ils pourront voir mes productions. voici mes ressentis et motivations:

Quand j'ai commencé, c'était dans l'optique de trouver des visages qui ne me paraissaient pas fades; dans ce bain de foule si diversifiée, il y avait tellement de gens que tout oppose, du mendiant a la riche mondaine, tout ce monde est brassé de la même façon. Et pourtant, ces visages me semblaient identiques et ternes; j'avais pensé que je m'arrêterais toutes les trente secondes et que ma chasse aux expressions seraient fructueuses mais j'ai été déçue, même si j'en ai rencontré qui dégagent beaucoup.

Les personnes les plus imbues d elles même étaient fières de poser avec un grand sourire. j'effacerai leur photos. celles qui sont les plus intéressantes sont celles qui rougissent et qui ne comprennent pas pourquoi je leur demande a elles. beaucoup ont refusé et c'est dommage: une jeune femme noire très charmante au regard fuyant qui masquait sa bouche avec son foulard m'a dit: "ce doit être une blague" avant de partir presque en courant. les critères de la beauté sont tellement omniprésents qu'ils nous poussent a avoir honte de nous même.

J'ai remarqué que les personnes qui commencent a prendre de l'age attirent plus mon regard. les jeunes ont la peau lisse, et n'ont pas ce passif qui fait la différence. Identiques avec leur jeans ou jupes de la même couleur, leur cheveux coiffés de la même façon, les mêmes t shirt, des expressions semblables, les mêmes chaussures, jusqu'au trait de maquillage... ils ne dégagent rien d'unique et en prendre un en photo, c'est les prendre tous.

J'étais rouge, j'avais chaud, et j'ai décidé de me faire violence pour vaincre mon complexe d'infériorité. au début, j'ai bafouillé et je parlais sans trop articuler, j'ai du passer pour une idiote... mais au fur et a mesure que les visages défilaient j'ai pris confiance et j'ai aimé m'introduire dans quelques secondes de la vie de ces gens. le fait que je m'intéresse à eux en particulier flattait leur ego, beaucoup m'ont demandé "pourquoi moi", et ça m'a aider qu'ils soient fiers de ne pas être "fade" a mes yeux; je leur ai volé avec leur consentement un instant de leur vie, et il m'appartient. Portraitiste et peintre, "c'est la classe", alors les gens en général sont ouverts et heureux de participer, mais un bon nombre a refusé, les plus intéressants selon moi...

Je vais trier les photos, une à une en me demandant si le visage dégage quelque chose d'unique, avant de les peindre à ma façon, tout en restant dans le réalisme."

Bien évidement je n'ai peins aucun de ces portraits, la démarche photographique m'a paru après coup se suffire à elle-même.

Je n'ai pas mis toutes les photos... juste une partie, dur de choisir!

Quand on regarde ces portraits, on peut voir leur regard qui m'était destiné à ce moment là, et imaginer grâce aux indices sur leur visages ce qu'ils pensent. Intimidation? Séduction? Étonnement? ...

J'ai remarqué que la majorité des visages que j'ai photographié ce jour là sont sombres; peut être que la prochaine fois je vais arrêter des personnes plus rayonnantes?

Il y a plein de contractions dans ce texte, je ne suis plus tout à fait d'accord avec ce que je racontais.

Je pense renouveler cette démarche bientôt.

EDIT: A noter que la photo de la femme âgée au sac moutarde (cinquième photo) a été prise a Biarritz et non à Bordeaux.

Deux yeux, un nez, une bouche.

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